Chez les foals femelles de section III, c’est au tour d’une pouliche cantalouse de terminer sur la plus haute marche du podium. Ocyalee Domerguie AA est une digne représentante du chic et bon étalon Trakehner allemand Sweetwaters Ziethen pour lequel il s’agit de la seconde génération de poulains nés, associé au sang anglo-arabe de Belhyosa de Domerguie, une mère par Véloce de Favi. Ce croisement est à l’image de l’entente franco-allemande qui règne au sein du couple Patrick Loudières/Kirsten Blachetta qui a fait naitre la fille et la mère. Nous laissons d’ailleurs la parole aux fondateurs de la Domerguie qui ont répondu à nos questions avec passion et sincérité.
Anglo’Mania : Le croisement Trakehner x anglo-arabe a plutôt bien fonctionné avec Ocyalée qui semble avoir beaucoup de qualité. Pouvez-vous nous parler de ce choix ?
Kirsten Blachetta : Nous avions décidé de croiser le Trakehner Sweetwaters Zieten avec Belhyosa AA pour tenter d'obtenir un produit conjuguant les qualités de notre poulinière par Véloce de Favi en ramenant les fantastiques allures de l'étalon champion du monde de CCE des 7 ans. Nous voulions faire naître un cheval capable de gérer au mieux les trois disciplines très différentes du CCE : le dressage, le saut d’obstacles et le cross-country. Le Trakehner peut fournir une base solide pour les deux premiers ateliers, avec un très bon équilibre, une technique irréprochable, un mental stable. l'anglo-arabe peut ajouter un côté plus réactif, énergique et endurant, notamment pour le cross-country. Le croisement peut ainsi offrir un cheval qui excelle dans les trois épreuves. Lorsque nous avons vu arriver cette petite perle noire, nous avons été agréablement impressionnés par le résultat.
Dès les premières heures, Ocyalée a montré énormément de vigueur et de sang. Ses galops dans le paddock étaient interminables au point d’arriver même à fatiguer sa mère. Pendant plusieurs jours, il était difficile de l'approcher ou de la caresser sans la contenir, car cette pouliche était dotée d’une énergie débordante. Nous savions qu’elle avait quelque chose en plus, mais nous nous demandions si cela n’allait pas nous demander plus de travail qu’à l’ordinaire. Sur les chaleurs de lait, nous avons décidé de la licoler pour pouvoir la manipuler en toute sécurité. À partir de là, Ocyalée a décidé de nous faire pleinement confiance et nous a montré un excellent mental, tout en gardant une certaine force de caractère. C’est une pouliche sûre d’elle, aujourd'hui elle est un véritable pot de colle, préférant même les caresses et les papouilles à la ration quotidienne. Ce foal a un dos court, une encolure bien sortie et bien orientée, de bons aplombs, une tête très expressive et de très bonnes allures avec du rebond et de l’amplitude. Le jury a commenté son appréciation en la qualifiant de «très élégante avec de beaux tissus» et lui a attribué une note de 9/10 au type et à l’impression d’ensemble. Nous espérions une bonne place comme tous nos collègues éleveurs qui se déplacent aux finales de Pompadour, mais nous avons été comblés par ce résultat.
Nous avons aussi imaginé ce croisement car, comme vous le savez, je suis allemande et Patrick est français. Il s’agissait alors aussi de faire un petit clin d’œil à notre histoire. Depuis six ans, nous avons tissé des liens d’amitié avec Birgit et Franck Lehnhart du Haras du Söderhof en Allemagne. Ce haras, situé au nord d’Hambourg fait partie des meilleurs promoteurs de la race anglo-arabe outre-rhin. Ils accueillent ou ont accueilli entre autres les étalons AA Fandsy, L’Elu de Dun, Cestuy la de l’Esques, I’ll Win Domerguie, le Trakehner Räuberfürst. Quoi de plus normal que de trouver une alliance entre des chevaux de nos deux pays respectifs.
En résumé, nous pensons que croiser un anglo-arabe avec un Trakehner pour le concours complet devrait permettre de produire des chevaux très complets, alliant endurance, agilité, souplesse, puissance, stabilité et force mentale. Il ne nous reste plus qu’à rêver et attendre les prestations d’Ocyalée mais nous savons aussi que la route sera longue….
AM : L'élevage de la Domerguie est fidèle à ces finales depuis de nombreuses années. Parlez-nous de votre élevage, son histoire et de ce qui vous motive à présenter chaque année les produits à Pompadour ?
KB : Nous emmenons des chevaux à la grande semaine de Pompadour depuis plus de vingt-quatre ans. Nous apprécions l’ambiance conviviale qui y règne et le fait de pouvoir échanger facilement avec les cavaliers pro et nos collègues éleveurs qui, pour certains, sont devenus au fil des ans des amis. L’ANAA facilite les échanges par l’organisation d’un programme adapté qui permet à ces deux univers de se croiser facilement. Nous avons eu à plusieurs reprises des touches commerciales ou des ventes sur Pompadour que ce soit avec des cavaliers pro, des amateurs, mais aussi des administrations comme l’ENE ou le CSEM. Cette année nous avons eu le plaisir de voir Chinka’s Domerguie, vendu à trois ans à Pompadour au CSEM, participer aux Jeux Olympique de Paris 2024 dans les épreuves du pentathlon moderne.
Outre les épreuves d’élevage, nous venons à Pompadour pour verser aussi notre petite larme de joie, mêlée de peur, quand un Domerguie s’élance sur le magnifique cross de l’hippodrome.
Depuis plus de trente ans notre élevage est une passion à dimension familiale, nos chevaux sont imprégnés dès leur naissance, ce qui leur donne confiance et sérénité. Nous avons sélectionné des mères faciles et calmes avec les humains et nous tentons de préserver de vieilles origines dans les lignées.
Les anglos nous ont toujours fascinés par leur caractère affirmé et leur générosité. De plus, leur look, leur agilité, leur prestance mais aussi leur rusticité et leur endurance en font des chevaux polyvalents sur un plan commercial pour qui sait utiliser convenablement ces potentiels. Très souvent décriés pour leur difficulté d’utilisation, nous avons décidé de miser sur la sélection des mères et l’éducation de nos jeunes chevaux afin de rompre avec cette mauvaise image. Pour nous les conditions essentielles sont réunies : de bonnes souches, de très bonnes pâtures, des mères confiantes et une bonne éducation. Beaucoup de manipulations, une mise en confiance des poulains dès le plus jeune âge et un débourrage paisible font le reste.
Les chevaux sont élevés en troupeau de 3 ou 4 sur plusieurs parcelles pour une surface totale d’environ 30 hectares de prairies entre 250 et 500 m d’altitude. Nous sommes situés entre les contreforts du Massif Central et les Causses du Quercy-Rouergue dans un petit coin du sud-ouest où il fait bon vivre bénéficiant d’un microclimat, nommé la Châtaigneraie Cantalienne, à la croisée des départements du Lot, du Cantal, de l’Aveyron et tout proche de la Corrèze. Nous pouvons considérer que nous sommes dans le berceau de la race anglo-arabe. Nous avons la chance de vivre dans une région réputée pour la qualité de ses herbages, loin des industries, des grands axes routiers et ferroviaires et des pollutions chimiques. Cet atout est quelquefois aussi pénalisant pour nos déplacements mais dissuade aussi les curieux ! Seuls les passionnés nous rendent visite et nous nous en accommodons fort bien.
Notre ferme a récemment obtenu le label HVE (Haute Valeur Environnementale). Nous récupérons l’eau de pluie et nous avons une installation de panneaux photovoltaïques sur nos écuries. Les chevaux vivent toute l’année en extérieur dans des pâturages vallonnés et disposent d’abris ou de haies pour se protéger des éventuelles intempéries. Ce type d’élevage procure à nos équidés une excellente santé ainsi qu’un équilibre psychique et physiologique. Depuis le début, nous avons décidé d’élever des anglo-arabes car nous étions des fans inconditionnels des chevaux stationnés à la station des Haras Nationaux de Maurs (Légionnaire, Maxime, Monseigneur, Gériko, Knour, etc…), à mi-chemin entre les haras d’Aurillac et de Rodez pour les concours d’élevage départementaux ou régionaux. Nous sommes « tombés » dans le CCE parce que nous partageons les mêmes valeurs que les propriétaires et les cavaliers des chevaux de concours complet. Dans ce milieu, chacun sait, peut-être un peu plus que dans les autres disciplines équestres, qu’il faut prendre soin et ménager sa monture pour arriver au bout de l’épreuve. Cette ténacité est aussi indispensable dans l’élevage équin.
Nous sommes aussi des cavaliers d’extérieurs et depuis longtemps nous essayons de proposer à tous nos animaux les meilleures conditions de vie en évitant le plus possible les situations stressantes. Nos futurs acquéreurs savent que nos poulains sont déjà bien avancés dans le travail à pied ou monté. Le bien-être animal est présent depuis toujours à la Domerguie. Nos acheteurs des « Made in Domerguie » sont aujourd’hui devenus très souvent des amis, mais sont aussi notre meilleure carte de visite et nos meilleurs ambassadeurs.
AM : Vous qui avez l’expérience des concours de foals, que pensez-vous de ce nouveau format de présentation des poulains avec les mères en liberté dans le rond ?
KB : Nous avons beaucoup apprécié la modification du format de présentation des foals cette année. Tous les éleveurs sont enfin logés à la même enseigne et ce quel que soit l’âge ou la condition physique de chacun. En effet, bon nombre d’entre nous ne sont malheureusement plus en mesure d’allonger correctement nos foulées… De plus, chaque éleveur ne dispose pas forcément à domicile des installations permettant d’entraîner la mère et son foal comme il était nécessaire de le faire précédemment. Les éleveurs que nous sommes ont souvent une autre activité professionnelle et, en fonction de cette activité, les poulains n’ont pas été forcément licolés et manipulés suffisamment. Précédemment le licol empêchait parfois certains poulains de s’exprimer correctement qui cherchaient plus à se libérer de cette contrainte qu’à se montrer à leur avantage. Chacun sait aussi que si la mère se présente correctement, son foal va l’imiter. Dans ce nouveau dispositif, beaucoup plus sécure et moins stressant tant pour les chevaux que pour les humains, le déplacement des chevaux se rapproche des allures naturelles et de l’équilibre que nous observons dans nos pâtures et qui seront les futures allures du cheval au travail. Nous ne pouvons qu’approuver cette excellente initiative de l’ANAA qui permet de mieux observer et d’évaluer le modèle, les allures et le comportement de la mère et du poulain. Par ailleurs, le fait d’avoir construit le rond de présentation sur la cour d’honneur permettait au public de participer activement à cette présentation.