Dans la catégorie des mâles de deux ans, le jeune entier Muxu Clémentine AA a séduit le jury par son coup de garrot à l’obstacle où il obtient d’ailleurs la meilleure note de sa section. Il est le fruit du croisement maison d’Amélie Michon, l’étalon Helios Clémentine (Must Pom x Rêve du Thil) et Maya de Paloume anglo-arabe à 50% issue d’un croisement direct course arabe/pur sang anglais. Sa nouvelle propriétaire, Fabienne Minetti, éleveuse dans les Landes, nous en dit plus sur son coup de cœur.
Anglo’Mania : Vous êtes cette année championne de France des mâles 2 ans de race pure avec Muxu Clémentine AA ; vous vous attendiez à cette première place ? Ce poulain n’est pas né chez vous, alors comment et pourquoi en avez-vous fait l’acquisition ?
Fabienne Minetti : J’ai acheté Muxu Clémentine AA foal aux Finales de Pompadour 2022. Je connaissais le père, Helios Clémentine, pour l’avoir vu lors des concours régionaux : il avait un joli modèle, un très joli coup de saut mais surtout un excellent caractère, très près de l’homme et très gentil. Il avait obtenu 9/10 au saut en liberté à deux et trois ans, la meilleure note toutes catégories confondues aux Finales de Pompadour. Il a raté la labellisation pour 0.2 point. Le père et le fils ont été élevés par Amélie Michon, membre de notre association d’éleveurs des Landes et amie. Quand je suis allée voir le foal dans son box pendant les finales, il ne s’est pas effrayé, ne s’est pas caché derrière sa mère, il est resté confiant à se faire caresser. Un très bon point pour moi car j’estime qu’un cheval doux et confiant apprendra plus facilement. Lors de la présentation au modèle, le foal a présenté de belles allures, de la souplesse et semblait ne pas toucher terre. Il était plus petit que les autres car il n’avait que 3 mois mais il était bien fait, bien proportionné. J’étais sûre qu’il serait classé dans les trois premiers et il fut 2ème. Quand son éleveuse m’a dit qu’il serait à vendre, je le lui ai acheté, à la surprise de tout le monde, mais il était évident et logique pour moi de l’acquérir. Et je n'ai jamais été déçue. Muxu, bien qu’entier, est d’une gentillesse hors du commun. Il est désireux de bien faire, il apprend très vite. On a pu le constater lors des Finales. Muxu est resté d’un calme olympien bien que n’étant sorti de la maison qu’une seule fois auparavant pour le concours régional. Cela lui a permis de montrer sa qualité au saut en liberté mais cela lui a peut-être nui pour la présentation au modèle. J’étais loin de penser qu’il remporterait le titre car il a un type d’Anglo classique, petit, un peu trapu quand tous les autres concurrents avaient un profil plus" moderne".
AM : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre élevage ?
FM : J’ai commencé à élever pour mon mari et mon fils. Mon mari est permis d’entraîner des chevaux de courses et mon fils était cavalier Pro de concours complet. Nous achetions auparavant nos chevaux, que des anglos, à Monsieur Gaston Pécout à Pompadour pour la course et notre fils en a récupéré deux par la suite qui l’ont amené jusqu'en Pro 1 en complet, illustrant bien la polyvalence de cette race.
Cette famille nous a un jour confié une jument AA par Fayriland II à remettre à l’entrainement suite à une blessure, mais cette jument ne s’est jamais vraiment remise, aussi elle nous fut donnée. Le hasard nous a fait aller au Haras de Gélos pour une présentation d’étalons à laquelle participait l’étalon Fast, un pilier de la race Anglo. J’ai pensé qu’un mélange des deux lignées pourrait être intéressant pour la course et c’est comme ça que tout a démarré.
Ma deuxième poulinière, Ambre des Graves, Anglo elle aussi, m’a été cédée par l’éleveur d’une petite jument Anglo que mon mari avait accepté d’entraîner, Jonquilles des Graves AA et qui s’est révélée être la meilleure pouliche de l’année. Ambre était moyenne en courses mais a commencé très honorablement en CCE sous la selle de mon fils à l’âge de six ans. Un problème de phalange l’a mise à l’arrêt. A cette période, je n’avais pas les moyens d’acheter un bon cheval de complet pour mon fils qui sortait au niveau international, aussi j’ai tiré parti de la période d’arrêt de la jument pour la faire saillir en espérant faire naître un bon produit. Deux ans plus tard, pour ma première participation aux Finales AA à Pompadour, cette poulinière s’est classée 3ème, son foal, 2ème et son premier produit a gagné la catégorie des Mâles de deux ans. Son dernier foal, Just Junior, s’est classé 2ème avec une note 8.75/10 et il a beaucoup plu à Monsieur Andreas Gygax (NDLR : ancien président de l’Association Anglo-Arabe Suisse et vétérinaire de profession) qui s’en est porté acquéreur. Comme lui, j’ai toujours pensé que le sang des lignées course ne peut être que profitable à l’élevage du cheval de sport. Malheureusement, l’élevage est une passion chère, de plus en plus au fil des ans. Mais le problème majeur aujourd'hui reste la valorisation : il est difficile et coûteux de placer un cheval chez un cavalier et de voir ses produits bien mis en valeur, en courses comme en sport.
J’ai la chance d'en avoir trouvé une aujourd'hui, Marie-Charlotte Fuss, qui, j’en suis sûre, saura révéler le meilleur de Muxu Clémentine, comme elle le fait aujourd'hui avec Goldhasa AA qui est, lui aussi, passé avec bonheur du monde des courses à celui du sport.
AM : Et pourquoi avoir choisi d’élever des anglo-arabes ?
FM : La race anglo arabe s’est imposée à moi pour de multiples raisons.
En tant que petit éleveur, je n’avais pas les moyens de m’offrir les saillies d’étalons pur-sang qui me faisaient rêver alors que les étalons AA, grâce aux Haras Nationaux de l’époque, étaient plus abordables. Les anglo-arabes nous ont fait vivre de magnifiques moments en courses, tant en plat qu’en obstacle, à une époque où il était commun de compter entre 17 et 25 partants par épreuve. Mon mari, ex-jockey d’obstacles, avait pu apprécier pendant sa carrière les qualités de sauteur des AA, leur maniabilité et leur endurance. C’est donc tout naturellement qu’il a choisi d’entraîner par la suite les Anglos que j’élevais ainsi que ceux qu’on lui a confiés.